La Forêt

La forêt de Saint-Julien-Molhesabate se répartit sur 1.442 parcelles dont toutes ne sont pas exploitées de façon régulière et durable. Les élus souhaitent encourager et promouvoir une sylviculture dynamique et raisonnée. En effet, une parcelle « jardinée », c’est à dire dans laquelle, tous les 6 à 10 ans, sont effectuées des coupes prélevant 15% du stock permet de maintenir un couvert forestier homogène et durable.

L’action de la commune se répartit de la façon suivante :

1. Adhésion à l’association des communes forestières de France depuis le printemps 2022

2. Révision de son plan de boisement concomitamment avec les 7 autres communes de la Comcom du Pays de Montfaucon.

3. Mise en place prochaine à l’échelon minimum de la Comcom, d’un MOD’OP, mode opératoire,élaboré en concertation avec les entreprises intervenant dans la forêt pour les déclaration de chantier et leur conduite notamment en ce qui concerne la remise en état des chemins.

4. Création de routes forestières, La Charousse – Fultin (2022) et Thomarget-La Charousse (2023/2024)

5. Organisation de Journée de la Forêt  : la première le 14 octobre 2022, avec comme thématique « La forêt et le climat », la seconde le 17 novembre 2023 sur le thème de « la gestion durable des forêts, quelles alternatives aux coupes rases ».

Compte rendu de la journée du 14/10/2022

Vendredi 14 octobre se tenait la première journée de la forêt de St Julien Molhesabate. Couverte à plus de 70% par la forêt, la commune se préoccupe de son massif forestier détenu essentiellement par des propriétaires privés. Animée par la mairie, le Centre Régional de la Propriété Forestière et Fransylva 43 (association des propriétaires privés), elle avait pour thématique : « la forêt et le climat ». De 10h à 17h des conférences se sont succédées : sur l’évolution du climat, le rôle bioclimatique de la forêt, comment l’adapter et comment se prémunir des risques. La journée s’est conclue sous forme d’une table ronde où ont pu échanger élus et responsables des différents organismes de la filière bois-forêt.

Y aura-t-il encore une forêt en 2050 ?

Après l’été 2022, la question est dans toutes les têtes. Nos experts sont formels, les étés que nous connaissons depuis plusieurs années malmènent les sapins. Surtout les plus anciens peu habitués à ces nouvelles conditions climatiques. Evidemment cela dépend énormément de la station sur laquelle les arbres se trouvent : son exposition, son sol, son altitude et les essences qui y sont implantées.

Même si le massif du Felletin, reste assez bien arrosé (plus de 1000 mm par an en moyenne ces 26 dernière années), les printemps et étés secs, périodes où les arbres consomment le plus d’eau, expliquent l’apparition de dépérissement. En effet plus il fait chaud et plus l’arbre transpire, plus il transpire et plus il consomme de l’eau. Si cette eau n’est pas tombée sous forme de pluie ou si les réserves du sol ne sont pas suffisantes, les canaux de sève se désamorcent de façon irrémédiable et les arbres dépérissent.

Un massif forestier dont dépend notre avenir

La forêt, à l’échelle d’un massif, a un rôle bioclimatique : elle retient l’humidité, rend disponible dans l’atmosphère l’eau sous-terraine, apporte une certaine fraîcheur. Autant de bienfaits appréciables dans un contexte de changement climatique. Sans parler évidemment de son rôle économique, touristique, de production d’énergie renouvelable et de captage du carbone. A tel point que le Plan Climat Air Energie de la communauté de commune du Pays de Montfaucon, qui se projette à l’horizon 2050, envisage d’être excédentaire en énergie grâce au bois.

Adapter sa forêt est possible

Philipe Couvin, ingénieur du CRPF, a exposé la meilleure façon d’aborder le problème. Tout d’abord, faire un diagnostic complet de la parcelle pour estimer son degré d’exposition aux conséquences du changement climatique : on carotte des arbres pour observer les stries de croissance, on creuse le sol pour déterminer sa profondeur, sa structure, on note l’exposition, l’altitude, les essences présentes. On détecte les éventuels premiers signes de dépérissement.

Planter des essences plus adaptées au changement climatique

Suivant la station, il sera possible d’installer progressivement de nouvelles essences, dans des placettes, sortes de trouées d’environ 1.000 m² en prenant soin d’apporter suffisamment de lumière aux plantations. Ces placettes bénéficieront de l’effet protecteur des arbres historiques de la parcelle, notamment en ce qui concerne l’humidité.

La pratique des coupes rases décriée

A ne réserver que dans des cas extrêmes, les coupes rases mettent à nu le terrain, en pleine lumière et en plein vent : les conditions idéales pour assécher le sol ce qui est la dernière chose recherchée. De plus cette pratique suscite énormément de réactions. Isabelle Valentin, députée de la première circonscription de Haute-Loire a d’ailleurs indiqué vouloir intervenir auprès du préfet pour que soit abaissé le seuil de 4 à 2 hectares, à partir duquel une autorisation est obligatoire.

Des propriétaires bien accompagnés

Bernard Souvignet, président de la Comcom du Pays de Montfaucon a expliqué le soutien qu’il entend maintenir auprès des propriétaires forestiers en cofinançant avec 2 autres Comcom voisines un poste supplémentaire d’un technicien du CRPF. Ce technicien fait des visites à la demande des parcelles et établi un rapport de ses conseils, le tout gratuitement.

Par ailleurs, pour les propriétaires de petites parcelles, qui se sentiraient démunis et embarrassés sur la conduite à tenir notamment pour organiser des coupes, il existe diverses possibilités pour réaliser des coupes à plusieurs. Cela permet notamment d’obtenir une meilleure valorisation de ses bois tout en pratiquant une sylviculture raisonnée.

Ces propriétaires ont tout intérêt également, comme la rappelé Philipe Beignier, président de l’association des propriétaires forestiers privés de Haute-Loire, à adhérer à son syndicat pour se tenir informés, assurer la responsabilité civile de leurs bois, profiter des différentes possibilités de défiscalisation et de subventions liées à la forêt.

Une expérience à renouveler

Les participants ont passé une journée très instructive : les présentations étaient très bien étayées, avec des témoignages, des illustrations et des explications scientifiques rendues facilement compréhensibles. Ils se sont donnés rendez-vous l’année prochaine pour une nouvelle édition de la Journée de la Forêt de Saint-Julien-Molhesabate.

 

Compte rendu de la journée du 17/11/2023

La forêt bouge

Gilles Cibert, le maire de Saint-Julien-Molhesabate et initiateur de ces journées de la forêt revient sur les raisons d’organiser cet événement : il constate que sur sa commune, couverte à plus de 70% par la forêt, les enjeux sont importants pour l’avenir : c’est l’emploi de toute une filière (bois d’œuvre, bois énergie), c’est la fonction bioclimatique de la forêt (filtration eau, captage carbone, fraîcheur), c’est la fonction paysagère appréciée par les habitants comme par les visiteurs. Et pourtant en parcourant les chemins on peut constater que des parcelles pourtant voisines n’ont pas le même aspect, la même dynamique : certaines paraissent abandonnées, d’autres surexploitées, voire coupées à blanc. Le thème choisi pour cette année était « la Gestion Durable de la forêt. Quelles alternatives aux coupes rases ? ». Plusieurs intervenants se sont succédé autour de ces questions. Une cinquantaine de personnes ont assisté aux exposés et aux visites terrains.  

L’adaptation des forêts au changement climatique : « le gros sujet » du moment

Anthony Rispal, ingénieur de l’Office National des Forêts a expliqué à l’auditoire les actions qu’ils mettent en œuvre pour adapter la forêt publique au changement climatique, qualifiant cette préoccupation de « gros sujet ». Les projections à 2070 font apparaître sur la Haute-Loire, que le sapin pectiné ne trouvera les conditions climatiques de son développement qu’au-dessus de 1000 mètres d’altitude c’est-à-dire que cette essence a encore largement sa place sur la commune de St Julien Molhesabate.

L’ONF à la pointe de la gestion forestière durable

Au sein de l’ONF, chaque technicien sur le terrain gère entre 1200 et 1800 hectares de forêts publiques, domaniales ou communales, très répartis sur l’ensemble du département. Ils savent que chaque forêt est particulière en fonction de sa station, c’est-à-dire, son altitude, son exposition, la nature et la profondeur du sol, … Il explique que les arbres qui peuplent nos forêts étaient parfaitement adaptés aux conditions climatiques d’il y a 100/150 ans. Cela signifie que les graines produites par les arbres d’aujourd’hui sont adaptées au climat d’aujourd’hui. Par conséquent si la station est bonne, l’évolution naturelle peut suffire. Le travail du sylviculteur consistera uniquement à permettre aux jeunes plans de régénération naturelle de trouver assez de lumière pour se développer et prendre la suite. 

La coupe rase solution extrême à n’utiliser qu’en cas d’urgence

Quand la station n’est pas propice à l’essence dominante, station plein sud pour les sapins par exemple, mais qu’aucun dépérissement généralisé n’est visible, l’ONF facilite l’implantation d’essences plus adaptées, en pratiquant de « fortes » éclaircies. L’idée est la création de trouées où seront plantés les nouveaux arbres tout en faisant bénéficier les nouvelles plantations de la protection du couvert forestier. L’ONF n’a recours à la coupe rase qu’en cas d’urgence : pour régler un problème sanitaire avéré : abattage immédiat pour stopper le risque de prolifération.

Les forêts des prochaines années seront mélangées

Anthony Rispal indique qu’ils mélangent les essences pour obtenir une forêt plus résiliente, c’est-à-dire un écosystème varié ou parasites et prédateurs maintiennent un équilibre. C’est aussi le moyen de limiter les risques pour le propriétaire forestier de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Concernant les nouvelles essences, il s’agit de procéder à une « migration assistée », c’est-à-dire celles qui seraient arrivées naturellement depuis les rives de la méditerranée comme le sapin bornmuller originaire de Turquie qui résiste tout autant au gel qu’aux fortes chaleurs et épisodes de sécheresse.      

Fransylva43, le syndicat qui bichonne ses adhérents 

La forêt est un monde à part, complexe et opaque. C’est ce qu’ont pus témoigner les propriétaires présents dans la salle : il existe pourtant toutes sortes de dispositifs, de règles, d’acteurs, de financements. Philippe Beignier, l’hyperactif président de Fransylva43, syndicat des propriétaires forestiers privés de Haute-Loire, lui connaît tout sur le bout des doigts. Avec fougue non dénuée d’humour, il donne des exemples précis : Les arbres ça peut tomber, surtout pendant les grands coups de vent et parfois ça ne tombe pas au bon endroit : sur une voiture, sur une antenne de téléphonie mobile, sur un câble de fibre optique et le propriétaire de l’arbre est responsable. Chaque propriétaire forestier est sensé prendre une assurance Responsabilité Civile pour ne pas avoir à payer lui-même les conséquences des dégâts provoqués par ses arbres.

Les petits propriétaires à la recherche de solution pour mieux tirer profits de leur patrimoine

Philippe Beignier explique les règles pour vendre au mieux ses coupes de bois : dans une parcelle tous les arbres ne se valent pas, ils n’ont pas tous la même qualité et les scieries sont de plus en plus spécialisées. L’idéal est de faire des lots de bois par type de marché : Charpente, Coffrage, Palette, pâte à papier, … A condition aussi que l’on puisse remplir au minimum un grumier de chaque lot. Déplacer des machines, des camions ce sont des coûts fixes et pour les amortir il faut des volumes. Ce que les propriétaires de petites parcelles sont incapables d’offrir. Le drame de la propriété forestière française c’est son morcellement. La Haute-Loire ne fait pas exception avec des propriétés moyennes de 2.3 ha en 6 parcelles différentes rarement limitrophes les unes des autres.

La solution c’est le regroupement.

Sans volumes conséquents de bois bien triés par qualité, les propriétaires sont à la merci des marchants de bois qui n’auront d’autre choix que de leur proposer une coupe rase. Pourtant reprends Philippe Beignier, il existe toutes sortes de moyen de se regrouper avec des voisins, qui sont dans la même situation. Les coopératives, experts forestiers sont tout disposés à contacter les propriétaires voisins. Mais il existe d’autres formes de regroupements plus encadrés comme par exemple les Groupements forestiers particulièrement adaptés aux membres d’une même famille, ou encore l’Association Syndicale Libre de Gestion Forestière (ASLGF) dont plusieurs ont vu le jour en Ardèche, dans la Loire ou encore à St Front et qui peuvent constituer des ensembles de plusieurs centaines d’hectares.

Le Plan Simple de Gestion ouvre l’accès aux subventions

André Defaye, maire adjoint de St Front était venu spécialement témoigner de la création sur sa commune d’une ASLGF : c’est en 2019, que date la prise de conscience du problème qu’avaient les petits propriétaires forestiers : le sentiment d’isolement, la méconnaissance technique, les trop nombreuses coupes rases, les prix de vente faibles, l’ignorance des aides financières. Aujourd’hui 45 propriétaires participent à l’ASLG ce qui représente une superficie de 120 hectares. Un Plan Simple de Gestion (PSG) a pu être élaboré. Ce document dresse un état des lieux de cet ensemble forestier, fixe des objectifs de valorisation et décline sur 20 ans les interventions de sylviculture durable. Chaque propriétaire reste libre de procéder lui-même aux coupes sur ses parcelles ou de profiter des coupes groupées organisées. Ils peuvent bénéficier de toutes les subventions qu’ouvrent les propriétés gérées durablement sous PSG : marquage, plantation, … 

Rien ne vaut une bonne visite sur le terrain pour finir de bien comprendre

Les équipes du Centre National de la Propriété Forestière (CNPF), sont intervenues l’après-midi pour illustrer concrètement ce qu’est une forêt gérée durablement. Le CNPF est l’équivalent de l’ONF mais pour les forêts privées. Philippe Couvin, ingénieur, JB Mey et Mathieu Jeanville, techniciens ont présenté les caractéristiques de plusieurs parcelles de sapins très différentes : la première très bien gérée, depuis au moins 20 ans en jardinage : on n’y voit pas à travers, il y a des arbres de toutes les tailles, les coupes se font tous les 6 à 7 ans, on élimine les grands arbres avec défauts au profit des sujets d’avenir bien droit peu branchus. Au contraire un marchand de bois peu scrupuleux aura eu l’approche inverse de faire couper les bois les plus beaux et ne laissant au propriétaire inconscient que les moches.  

En sylviculture on a vite fait de se tromper

Une deuxième parcelle est soumise aux participants : les arbres sont serrés, très branchus, il y a peu de lumière, le sol est dépourvu de végétation régénérative.  Nicolas Monneret, expert Forestier venu rejoindre le groupe, explique que ça peut se rattraper mais sur plusieurs décennies. Il faut d’abord éclaircir et faire entrer la lumière en faisant des travées dans les arbres sans avenir tout en préservant les jolies perches. Les éclaircies vont permettre la germination de nouvelles générations de sapins. Il sera possible de faire des placettes de 1000 m² pour planter des nouvelles essences mélangées (épineux, feuillus). Deux autres parcelles ont été visitées, laissant voir des diversités saisissantes entre des forêts bien gérées par des propriétaires avertis et d’autres plus ou moins gérées ou laissées à l’abandon. 

Plusieurs fois au cours de la journée les intervenants ont pu marteler que la sylviculture c’était un métier et que comme pour ses dents ou son système de chauffage il vaut mieux faire appel à un spécialiste, un dentiste, un plombier, un technicien forestier. Les participants ont apprécié la qualité des interventions et sont repartis plein de bonnes idées pour gérer durablement leur forêt.

FRANSYLVA43 : sylviculteurs43@hotmail.com

CNPF : Mathieu Jeanville, technicien, dont le poste est financé pour partie par la Communauté de Communes du Pays de Montfaucon  

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